La Rochelle, France, 1988 1989.

Il y a deux sortes de photographes: ceux qui croient à l'antériorité des choses à leur captation photographique, et à la pérénnité de leurs formes; ceux qui préfèrent penser que le monde sensible est un flux en perpétuel mouvement, où les objets n'existent que dans la fugacité des apparences, et qu'il incombe au geste du photographe de soustraire à cet ondoiement sans fin une forme arbitrairement arrétée, à la fois hasardeuse( le résultat d'un acte précaire, fragile dans sa décision) et implacablement définitive ( cet instant-là ne se reproduira jamais plus de cette façon-là).
C'est à la frontiére entre ces deux philosophies de l'acte photographique que travaille Daniel Nouraud, dans cette série d'images de La Rochelle.
Il ya dans la plupart de ces photographies le désir de cadrer ces formes imposantes, durables,massives, par lesquelles l'homme a cru imposer au flux changeant de la nature ( de la mer, du sable, du ciel) la géométrie rigide de ces constructions industrielles de métal et de béton, l'ordre urbain.
Mais dans le même temps qu'il donne l'impression d'arc-bouter son geste photographique sur la pérennité de ces formes et de ces matiéres.Daniel Nouraud guette avec la plus grande attention sensible tout ce qui les menace, tout ce qui met en péril cette géométrie orgueilleuse en en brouillant les lignes. Sous son regard attentif, ces rigides constructions humaines redeviennet précaires et périssables, la forme géométrique perd de son arrogance devant la fugacité de la nuée ou de la vague, la sourde invasion du sable, de la pluie ou du brouillard.
Extrait du texte d'Alain Bergala : Le guetteur inquiet, 1989.

La Rochelle, La Pallice